Des hauts et des bas

par Catherine Lahmi-Tassara

La scène se passe dans une classe de CP, au mois d’octobre. 

La maîtresse, un élève ;

au fond de la scène, les autres élèves qui écoutent, curieux.

La maîtresse (M) : Alors, Alexandre, qu’est-ce que tu vois ? [Je lui montre un a]

L’élève (E) : Un o.
M. : Encore ! Voilà un mois que je lui dis tous les jours la même chose ! Ici il y a une boucle en haut, là il y a une canne vers le bas, [bla bla bla…] Bon reprenons calmement. 

M. : Regarde, tu vois ici…

[Mais… qu’est-ce que je fais là ? Je fais exactement le contraire de ce que j’ai vu pendant mon stage de formation à l’E.d.E. ! Bon, et si je m’y prenais autrement ? Peut-être faudrait-il connaître sa représentation des choses ?]

M. : Tu peux venir au tableau, s’il te plaît ? [Alexandre se rend alors au tableau.]

M. : Dessine un o. ? [Alexandre écrit le « o »]

M. : Est-ce que tu veux bien que je te questionne sur comment tu as fait pour dessiner ce O ?

[Alexandre donne son accord. Le contrat ainsi passé, j’utilise alors un questionnement basé sur la fragmentation de l’action afin de trouver à quel moment Alexandre avait cessé d’avoir des points de repère :]

 

M. : Par quoi tu as commencé ?

A. :J’ai commencé par là – [Alexandre montre là où il a posé la craie en premier]

M. : Qu’est-ce que tu as fait juste après ?

A. :J’ai tourné comme ça – [Alexandre mime son geste. ]

M. : Et ensuite ?

A. :Je suis revenu – [Toujours en mimant le geste. ]

M. : Et en dernier, tu as fait quoi ?

A. :J’ai fait comme ça. – dit-il [en faisant un vague geste vers la droite.]

M. : Maintenant, tu vas dessiner un a, s’il te plaît.

[Même contrat et même type de questionnement. Alexandre redonne les mêmes réponses et mime les mêmes gestes.]

M. : Et en dernier, tu as fait quoi ? A. :J’ai fait comme ça. dit-il [en faisant le même vague geste vers la droite que précédemment.]

[A ce moment-là je comprends que pour lui, il n’y a aucune distinction dans la réalisation des deux lettres. En tous cas, il ne semble pas avoir conscience de la différence d’orientation haut/bas QUE JE LUI AI POURTANT EXPLIQUEE CINQUANTE FOIS !]

[Je lui demande alors de monter sur une chaise – au grand amusement de toute la classe ! – Et là je fais un questionnement visant à lui faire réaliser la différence de situation dans l’espace.]

 

M. : C’est comment pour toi quand tu es sur la chaise ?

M. : Comment tu vois les choses ?…

A. :J’suis plus grand. Je vois tout le monde. [En faisant des gestes montrant à l’aide des mains, le plafond] je lui dis :

M. : Tu vois, là tu es en haut. Tu es plus haut que les autres.

[Je laisse Alexandre quelques instants sur la chaise et je lui propose de redescendre.]

M. : C’est comment pour toi quand tu es redescendu de la chaise ?

A. :J’suis moins grand. [En faisant des gestes montrant à l’aide des mains,le sol ] je lui dis

M. : Maintenant tu es revenu en bas. [Je lui remontre en écrivant moi-même au tableau, pour le « o »,]

M. : Ça se termine en haut avec une boucle et pour le « a » ça se termine vers le bas avec une canne.

[J’efface tout et je lui demande : ]

M. : Maintenant redessine-moi un o … puis un a [A ce moment, Alexandre, sans aucune difficulté, trace un « o » et un « a » correctement.]

M. : Bravo ! Comment tu as fait alors ici ? [Je lui montre les lettres une à une et Alexandre en me les re-désignant dit :]

A. : Et ici ça va en haut ; ici ça va en bas.

……………….

Il m’a fallu environ un quart d’heure pour permettre à Alexandre de réaliser ce qui lui avait manqué jusque là. Ceci en valait-il la peine ? Qu’en pensez-vous ?

Par la suite je me suis rendue compte que les autres élèves avaient également bien intégré ces notions puisque le problème ne s’est plus reposé.

Je ne dis pas que d’autres n’aient pas surgi, mais ceci est une autre histoire…

2021-07-27T17:23:32+00:00